Parution Septembre 1995


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Jean-Loup Trassard
Inventaire des outils à main dans une ferme


Textes & photographies
1981/1995. 88 p. 16,5/24.
ISBN 978.2.86853.224.4

19,00 €

Le livre

Faucilles, cognées, pelles, marteaux, fourches, râteaux, serpes, rasettes, crocs… Voici donc, sans représentation graphique et en essayant de ne pas trop figer ces objets qui n’eurent de sens que mouvants, une évocation des outils agricoles employés dans une ferme de la Mayenne. En hommage aux mains qui les tinrent.


L’auteur

Jean-Loup Trassard est né à la campagne, l'été 1933. Il publie pour la première fois dans la N.R.F. en 1960 puis, à partir de l'année suivante, plusieurs récits chez Gallimard. Outre quelques livres de proses, nous avons publié dans la série «Textes & Photographies» Territoire (1989), Images de la terre russe (1990), Ouailles (1991), Archéologie des feux (1993), Inventaire des outils à main dans une ferme (1981 & 1995), Objets de grande utilité (1995), Les derniers paysans (2000), etc.



Extrait

Faux, faucilles & croissant

C’est plutôt à la remise que s’expose la panoplie des instruments à main : appuyés, suspendus, piqués dans une poutre. Bien que parfois ils ne coupent plus ou perdent leur manche, toutes fonctions mêlées, ils sont toujours disponibles pour qui veut prononcer, même intérieurement, leur nom et s’en saisir.
Parmi eux, venues de l’aube où d’autres les avaient courbées pour nous, ces lames de métal dont nous ne cherchions pas l’origine en les posant sur notre bras, pour la protection d’autrui leur tranchant tourné vers notre propre corps.
L’un des bruits qui rythmait le temps lourd des premières après-midi orageuses était alors celui du marteau martelant la faux sur l’enclumette plantée dans une souche. Laquelle servait de siège pour cet ouvrage.
On ne fauchait déjà plus en grand par la faux, mais le journal (des «journia»), l’étendue qu’un homme pouvait couper en une journée (Columelle : «un bon faucheur abat un jugerum d’herbage par jour»), restait la mesure de contenance employée pour les terres, variable d’une région à l’autre (de 40 à 50 ares). On employait la faux pour le foin aux endroits difficiles : petites pentes ou mouillures, ainsi qu’à la reprise des oublis laissés par la faucheuse mécanique, là où le vent avait couché l’herbe, afin que ne restent pas dans le pré tondu ces hérissements appelés «chiens». On coupait chaque matin la «camionnée» de vesceron ou de trèfle rouge à donner aux bêtes. Enfin quand il était temps de faire «les perces», on ouvrait le tour des champs de céréales à la faux pour que la lieuse y puisse pénétrer.
Tôle d’acier légèrement arquée dont un bord est coupant et l’autre formé par une nervure qui donne la rigidité. Le tranchant et le dos se joignent en pointe aiguë tandis que la base, large, porte une queue qui permet, avec anneau et coin, la fixation sur un manche de bois. La longueur de ce manche, muni d’une poignée transversale, sert un peu de balancier. Mais ne partez pas sans réglage ! La faux qui n’en a pas l’air est un instrument très complexe : suivant le type de lame, la nature des tiges à couper, la taille du faucheur, sa force, son habileté, sera déplacée la poignée réglable le long du manche, seront à modifier l’angle que fait la lame avec le manche ou l’angle que fait le plan de cette lame avec le sol qu’elle rase. Et ces nuances subtiles entrent en combinaison. L’on tenait compte encore de la verse éventuelle du foin ou de la pente du terrain.
Alors, le faucheur s’étant assuré du sol, le pied droit en avant, prenait son élan de gauche à droite, engageait la pointe dans l’herbe, lançait l’oscillation. Il suivait sans cesse la lame des yeux pour veiller à ne pas émousser sa faux tout en coupant le plus bas possible. Le bruit de l’herbe tranchée déjà le renseignait sur le rythme à garder et sur le rapport du fil avec la résistance végétale. La pierre pour aiguiser se portait dans un coffin («le couailler») de corne ou de bois, accroché à la ceinture et mouillé de vinaigre (les «pierres à aig» étaient plus douces que les pierres sèches que nous avons maintenant. Selon Pline, les Anciens, eux, trempaient leur pierre dans l’huile d’olive : «igitur cornu propter oleum ad crus ligato fenisex incedebat», «aussi le faucheur marchait-il avec une corne à huile attachée à la jambe», Hist. Nat., Livre XVIII, trad. Le Bonniec, Les Belles Lettres). Le faucheur à l’arrêt plantait dans le sol la hampe taillée en pointe à cet effet, s’asseyait presque sur la poignée, enserrait du bras gauche comme une épaule amie toute la nervure de la lame et, d’un geste léger de l’autre main repassant le fil, faisait sonner sa faux.
(...)

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