Parution Septembre 1995


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Jean-Loup Trassard
Objets de grande utilité


Textes & photographies
1995. 112 p. 16,5/24.
ISBN 978.2.86853.223.7

En réimpression

Le livre

«Sur la grève des champs, dans les étables délaissées ou les hangars de brocanteurs, j’ai recueilli — coquilles ébréchées, polies par le ressac de l’usage — des objets que les mains venaient juste de quitter. Les outils attaquent la matière, les objets sont plus lents, ils accueillent, contiennent, secondent, très utiles ils deviennent familiers…» Le peigne, le pichet à cidre et le soufflet; La poignée de marmite, le rouet et les coffins


L’auteur

Jean-Loup Trassard est né à la campagne, l'été 1933. Il publie pour la première fois dans la N.R.F. en 1960 puis, à partir de l'année suivante, plusieurs récits chez Gallimard. Outre quelques livres de proses, nous avons publié dans la série «Textes & Photographies» Territoire (1989), Images de la terre russe (1990), Ouailles (1991), Archéologie des feux (1993), Inventaire des outils à main dans une ferme (1981 & 1995), Objets de grande utilité (1995), Les derniers paysans (2000), etc.



Extrait

Faux, faucilles & croissant

C’est un peigne pour les crins, de cuivre jaune, et l’on imagine guère une forme plus sobre. En cela il représente bien les objets utiles, souvent ingénieux, qui formaient l’entourage rural.
Des objets si simples qu’on croit à première vue n’avoir rien à en dire, sinon justement cette simplicité étonnante. À force de toucher pourtant, et sur les traces infimes de sa vie ancienne, une relation se fait jour entre la nudité même de l’objet et les souvenirs ou sensations qu’il éveille.
Sans doute ne parle-t-il pas tout seul : s’il est muet d’abord, le jeu consiste à regarder suffisamment cet objet pour faire peu à peu se déployer l’atmosphère qui le nimbe en secret au-delà de ses mensurations.
Et devant le peigne des chevaux (prononcé «peugne»), cette plaque de laiton taillée à dents — les angles abattus et une oxydation douce — je me réjouis qu’une si petite pièce d’un unique matériau et de proportions parfaites, en même temps que l’image du peigne primitif me soit le témoin encore des écuries, dont l’odeur fit se dilater les narines.
Il est court et va du creux de la main à l’extrémité du pouce car on le prend à pleine paume. Aussi pour en faciliter la tenue (et pour la solidité) le dos est-il presque aussi large que la partie dentée. Cette partie pleine est en son milieu percée d’un grand trou rond par lequel une ficelle, ou un lacet de cuir, peuvent former une boucle qui sert à suspendre le peigne, qui sert également à passer le médius afin d’avoir plus de force pour démêler les crins.
L’entretien des chevaux n’était pas qu’un souci d’esthétique, mais aussi destiné à faciliter la sudation et l’évaporation de la sueur, faute de quoi pour un cheval trop fourni en pelage et en crins, et mouillé par l’effort, il y aurait eu un risque de refroidissement.
Le peigne avait sa place avec étrille, brosse, époussette, près des harnais et des colliers. L’étrille pour enlever la terre en surface, la brosse de chiendent pour pénétrer le pelage, enfin pour chasser la poussière quelques coups d’époussette. Celle-ci faite d’une queue de crins noirs tenus dans une collerette de cuir au bout d’un petit manche de bois. Car on écourtait la queue des pouliches dès qu’elles avaient un peu travaillé, soit disant pour mettre la croupe en valeur et, reste d’un temps ou le maréchal-ferrant faisait seul office de vétérinaire, c’est le forgeron qui venait couper la queue, cautérisant avec un fer rouge. Ce qu’il appelait «surcouer eune pouliche» («escoër» du XIIe au XVIe puis «écouer» pour Littré. Tandis que «accouer» une jument, c’est l’attacher à la queue de celle qui la précède).
Le peigne servait à nettoyer les crins des épines ou graines accrocheuses qui s’y étaient prises. On ne pouvait tondre la crinière que sur la nuque où passe, juste derrière les oreilles, la têtière du bridon. Mais sur le reste de l’encolure une crinière trop longue ou mal rangée pouvait être éclaircie en arrachant des crins.
Les quinze dents du peigne (deux centimètres et demi de long) sont fortes, plates, pointues mais non piquantes. À la base, les entailles de leur espacement sont arrondies. L’œil en est conduit vers le large trou rond au-dessus de la huitième dent, puis aux deux extrémités du dos, arrondies également: bien que métallique et sonnant, l’objet ne montre aucune agressivité. C’est à peine si les dents demeurent un peu tordues dans le sens où, il y a quelques années, elles tiraient sur les crins des chevaux de labour percherons.
(...)

Autres livres de
Jean-Loup Trassard


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L’amitié des abeilles
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