Nouveauté Janvier 2007


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Jacques Chauviré
La confession d’hiver


Roman
2007. 160 p. 15/22.
ISBN 978.2.86853.472.9

20,00 €

Le livre

Un médecin, dans une petite ville de province devenue banlieue industrielle, confie à un journaliste les circonstances qui l’ont conduit, quelques années auparavant, devant la justice pour non-assistance à personne en danger et détaille la façon dont il a traversé cette épreuve dans la quasi-indifférence, autrement préoccupé par une faute bien plus grande à ses yeux, commise vis-à-vis du marinier Thieberghen auquel le lie une étrange amitié. Deux faits-divers entremêlés sont ici l’occasion d’une poignante confession sur les doutes et les périls auxquels ne saurait échapper un médecin scrupuleux, incertain de son rôle et de son pouvoir. Homme démuni, le plus souvent seul face à lui-même, sceptique et profondément étranger à la petite bourgeoisie à laquelle il est censé appartenir, il observe tout au long de ce récit crépusculaire le vol des mouettes sur la rivière comme si elles abritaient les âmes errantes de son inquiétude.



L’auteur

Jacques Chauviré est né en 1915 près de Lyon où il a fait ses études, et fut médecin généraliste pendant quarante ans à Neuville-sur-Saône où il est mort en 2005. En littérature, il fut l’ami de Jean Reverzy (qui avait été son condisciple), de Claude Roy et d’Albert Camus (qui fit publier en 1958 son premier livre, Partage de la soif — réédité en 2000 par Le Dilettante).
Il est l’auteur de cinq autres romans publiés initialement par Gallimard : Les passants (réédité en 2001 par Le Dilettante), La terre et la guerre, La confession d’hiver, Passage des émigrants (réédité en 2003 par Le Dilettante), Les mouettes sur la Saône (réédité en 2004 par Le temps qu’il fait), et de deux recueils de nouvelles : Rurales (avec des illustrations de Jacques Truphémus, Maison du Livre de Pérouges, 1983) et Fins de journées (Le Dilettante, 1990). Son ultime récit, Élisa, a paru en 2003 à nos éditions, précédant de peu les pages demeurées inédites de son Journal d’un médecin de campagne (2004) et un volume de nouvelles posthume : Massacre en septembre (2006).



Extrait

Vous êtes M. Lehman et vous m’avez téléphoné avant-hier : nous sommes d’accord. Entrez, je vous en prie. Ne demeurons pas là, sur le pas de la porte, par ce froid. Je vous conduis à mon bureau. Oui, à l’extrémité de ce long couloir. Permettez-moi de vous précéder. Vous risqueriez de heurter un meuble dans la pénombre.
Nous y sommes. Asseyez-vous et gardez donc votre manteau. Les hivers de Malaterre sont rigoureux. La neige est tombée et se maintient sur les collines. Cette grande maison est glaciale.
Ne vous inquiétez pas pour les empreintes boueuses que pourraient laisser vos chaussures sur le tapis ou le carrelage ciré. Certes, en ce domaine, ma femme est assez pointilleuse. Elle aime l’ordre et la propreté. Les soins du ménage l’ont toujours retenue. Mais elle comprendra fort bien que ce temps inclément laisse subsister quelques traces du passage d’un visiteur. D’ailleurs, demain est le jour du Seigneur et j’espère que ma femme consentira à se reposer. Elle en a grand besoin.
Encore une fois, je vous prie d’excuser l’heure tardive à laquelle je vous ai prié à ce rendez-vous. Un samedi soir, nous pouvons avoir la chance de ne pas être dérangés. Mon confrère, le docteur Rastoul, assure le service de garde.
Il est dix heures. Ma femme regarde la télévision. Dans une heure, elle gagnera sa chambre. Mes enfants sont sortis. Donc, le silence est à nous.
Vous m’avez dit être envoyé par le journal L’Avenir de Magristène. Ah ! Magristène, bonne et grosse ville ! Chroniqueur judiciaire, n’est-ce pas ? Je m’en doutais. À vos heures seulement. Plutôt psychologue ! Et vous n’avez pas assisté à mon procès ? Tant mieux ! Je préfère.
Affaire banale dans les annales de la Justice que celle d’un médecin traduit devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger ! De tels cas deviennent innombrables. Vous estimez que le mien est assez particulier ! En êtes-vous sûr ? Il retient votre intérêt ! J’en suis enchanté. Sinon votre sympathie ! Encore mieux ! J’ai la réputation d’être un homme d’un abord difficile mais ce n’est qu’une façade. Mon ton souvent grincheux ne dissimule que ma faiblesse et, croyez-moi, je ne déteste pas la confidence. Ah ! l’amitié, cher monsieur, quelle belle vertu !
Pourtant l’affaire est ancienne puisque voici deux ans que le tribunal rendit son verdict. Je vous comprends : vous aimeriez me parler d’homme à homme et recevoir ma confession, connaître la vérité, ma vérité. Voilà qui est difficile ! En somme, plus que toute autre raison c’est la curiosité, sinon la sympathie, comme vous me le confiiez voici un instant, qui vous ont poussé à me rendre visite ce soir. Votre profession ne vous a servi qu’à vous introduire avec plus de facilité chez moi. J’ai deviné, lors de notre brève conversation d’avant-hier, que vous aviez l’âme charitable et que les rapports humains savaient vous retenir. Ces dispositions vous honorent. Puis-je cependant compter sur votre discrétion ? Je n’aimerais pas que votre feuille rappelât à la population de Malaterre le procès qu’intenta la famille Aubry au docteur Sicard, votre serviteur. Je vous avoue que je n’éprouve guère de sympathie à l’égard des journalistes. Ils m’ont vilipendé. Mais mes raisons sont plus profondes… ils goûtent trop aux événements : le scandale et le meurtre, les révoltes et les révolutions, les guerres. Ils veulent être informés. De quoi, je vous le demande ? Est-ce que les convulsions méritent qu’on s’y arrête ? Pour ma part, je souhaiterais vivre en paix et qu’il ne se passât rien. Je n’estime pas vivre une époque passionnante. Malheureusement, nos concitoyens ne partagent pas mon amour du quotidien discret. D’où le succès de la presse !
Auriez-vous découvert, cher monsieur, l’injustice dont je fus victime ? Combien mes sentiments à l’égard de vos confrères deviendraient différents si, d’une plume alerte, vous… Mais vos raisons ne me concernent pas. Depuis ma condamnation je me suis fait un devoir de recevoir quiconque frappe à ma porte. Avec plus ou moins de courtoisie, je le reconnais. Mais je vous jure que j’accomplis des efforts méritoires. Il le faut.

Autres titres du même auteur :

Élisa
Les mouettes sur la Saône
Journal d’un médecin de campagne
Massacre en septembre
La terre et la guerre
Fils et mère