Nouveauté Mars 2006


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Le livre

Ces nouvelles rassemblées ici ont été, pour la plupart sinon toutes, composées durant la «période de silence» de Jacques Chauviré. C’est-à-dire durant les vingt ans, précisément, qui ont séparé la publication des Mouettes sur la Saône, son dernier roman paru chez Gallimard, en 1980, et la réimpression par le Dilettante, en janvier 2000, de son tout premier, Partage de la soif, qui allait amorcer la lente et tardive reconnaissance d’un auteur plus que discret, mais enfin conforté (et sans doute aussi un peu réconforté) par l’accueil public et critique réservé à Élisa, en 2003. (…)
Pour avoir été silencieux, ces exercices n’en couvrent pas moins plusieurs octaves : de la guerre des boutons évoquée dans Les souterrains au réalisme moite de Massacre en septembre, en passant par la cérémonie, très dhôtelienne, du Mariage de Joseph Berland, l’humour complice de La salle d’attente ou l’onirisme truqué d’Un voyage, chacune de ces variations se présente d’abord comme la prose vagabonde, ou en liberté surveillée, d’une imagination, d’une mémoire, d’un esprit étonnamment affranchis.



L’auteur

Jacques Chauviré est né en 1915 près de Lyon où il a fait ses études, et fut médecin généraliste pendant quarante ans à Neuville-sur-Saône où il est mort en 2005. En littérature, il fut l’ami de Jean Reverzy (qui avait été son condisciple), de Claude Roy et d’Albert Camus (qui fit publier en 1958 son premier livre, Partage de la soif — réédité en 2000 par Le Dilettante).
Il est l’auteur de cinq autres romans publiés initialement par Gallimard : Les passants (réédité en 2001 par Le Dilettante), La terre et la guerre, La confession d’hiver, Passage des émigrants (réédité en 2003 par Le Dilettante), Les mouettes sur la Saône (réédité en 2004 par Le temps qu’il fait), et de deux recueils de nouvelles : Rurales (avec des illustrations de Jacques Truphémus, Maison du Livre de Pérouges, 1983) et Fins de journées (Le Dilettante, 1990). Nos éditions ont fait paraître en 2003 son ultime récit, Élisa, ainsi que, l’anné suivante, son Journal d’un médecin de campagne, demeuré inédit jusqu’alors.



Extrait

Je suis arrivé le premier, ce matin, auprès de Mme Constance Martineau. Cette fin septembre évoquait naguère la rentrée des classes. Non, pas de pluie. Un temps un peu couvert, assez doux. Ici ou là un parfum de vendanges.
En ces dernières après-midi, lors de mes visites à mes patients, l’approche du soir m’a paru plus précoce. De jour ou de nuit je vais ainsi de bourgs en villages. Je suis médecin rural à Pierreclos.
Comme chaque année, M. et Mme Martineau sont arrivés à la fin du mois de juin dans leur maison de Milly. Ils sont gens de la ville, de Lyon. Depuis cinq ans ils font appel à moi lorsqu’ils sont malades au cours de leur séjour d’été.
On sonne à un grand portail gris. Une servante vient ouvrir. En cette saison, le beau jardin est à son déclin. Son charme persiste cependant, mais plus discret. Il s’y résigne, semble-t-il. On est alors surpris par la sévérité de la façade de pierre, bien que vêtue de vigne vierge.
Pas de murs de clôture. Des prés entourent en toute liberté la propriété.
C’est là que, au mois de juillet, Mme Martineau a perdu son mari. Âgé sans l’être vraiment par les temps où nous sommes : 1979. Il n’était pas arrivé en bon état. Il se montrait désorienté, légèrement confus. Son épouse et ses enfants avaient espéré que son séjour dans ce paysage lamartinien améliorerait certains troubles. Ce fut l’inverse qui se produisit. L’aggravation fut-elle due aux changements d’environnement comme à la perte de certaines habitudes urbaines ? Cela est possible mais incertain. J’eus dès le début le sentiment que M. Martineau ne se reconnaissait plus dans sa maison de Milly.
Je dois admettre qu’il a glissé entre mes mains avec une rapidité que je ne prévoyais pas. Il était né avec le siècle. Ancien chef d’une entreprise que dirige désormais son fils, il était un rotarien connu dans la ville. Je ne lui savais que deux passions : les voitures de grosse cylindrée et la chasse.
Je crois me souvenir qu’il est mort le 17 juillet. Ses enfants, son fils Alain et sa fille, Mme Cellière, pharmacienne à Lyon, étaient auprès de lui depuis le matin de ce dimanche. Il a passé vers midi, doucement. La chaleur était extrême bien que les volets fussent fermés. Deux des petits-enfants jouaient dans le couloir.
J’ai craint pendant quelques jours que Mme Cellière me considérât comme incompétent. Il est vrai que dans certains cas semblables on l’est toujours un peu. Plus ou moins. Mais non. La famille n’a pas pris trop mal ce décès. Je crois que chacun était fatigué par la surveillance constante que leur patient leur avait imposée dans les derniers jours. Et puis, c’était le temps des vacances ou presque !

Jacques Chauviré
Massacre en septembre


Nouvelles, présentées
par Gilles Ortlieb

2006. 208 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.455.2

21,00 €

Autres titres du même auteur :

Élisa
Les mouettes sur la Saône
Journal d’un médecin de campagne
La confession d’hiver
La terre et la guerre
Fils et mère