Parution Novembre 2023


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Pascal Commère
Chevaux


Roman


Coll. Corps neuf, 20
2023. 160 p. 12/18.
ISBN 978.2.86853.706.5

12,00 €

Le livre

Un enfant mène en solitaire une existence décalée, dans l’ombre des grands chevaux et le souffle de leurs naseaux sur la paille. Entre une mère bientôt endeuillée, un frère qui lance des cailloux dans les vitres, et un père qui, peu après, se tuera à l’entraînement, il laisse s’installer en lui cette lente fascination qui le conduira à devenir lui-même jockey. En parallèle, avec un bout de crayon, sur des bons de commande ou de vieux catalogues, l’enfant confie sa détresse à la présence bienveillante des chevaux. Ainsi, et comme on apprend à se tenir en selle, se fait ce long apprentissage de l’écriture qui lui permettra un jour de tracer la première phrase de la lettre qu’il adressera à Monsieur le Comte et qui décidera de sa vocation.

Ce livre a reçu la Bourse Del Duca lors sa parution (Denoël, 1987).



L’auteur


Né en 1951 à Semur-en-Auxois, Pascal Commère vit à la campagne et publie depuis 1978. Nourri charnellement et métaphysiquement par cette terre ancestrale qui est la matière de ses œuvres, il
a publié une vingtaine de livres, proses narratives et poésie, et il est également l’auteur de nombreux textes critiques consacrés à des «frères de lettres», écrivains et poètes, comme André Frénaud, Gustave Roud, Serge Wellens, Franck Venaille, James Sacré, Petr Kral, Jean-Loup Trassard.



Extrait

Cette saison-là, mon père avait gagné, je crois. Il ne nous disait rien, mais je voyais son sourire le soir des courses quand il rentrait. Ma mère le savait, il rapportait un peu d’argent. Ou bien c’était les fils du gros monsieur à l’œil fermé qui gagnaient, et cela aussi faisait sourire mon père. Il était heureux, je crois, de les voir prendre la tête. Parfois il retenait son cheval, ou bien il ne cravachait pas. Ce n’était pas gagner qui l’intéressait le plus, mais sentir que le cheval répondait, qu’il avait été bien préparé.
Depuis le jour où mon père était descendu de la voiture de M. le Comte, il savait que la saison des courses était finie pour lui. Là-bas, par toutes les écuries où il était passé, il y avait quelque chose à décrocher. Mais il n’était pas seul. Tous les apprentis comme lui pensaient la même chose. Chez M. le Comte aussi, peut-être…



Pour mon père, les courses appartenaient au passé. Il avait pris tant de départs qu’il ne se souciait plus de l’arrivée. À l’entraînement, le soir après sa journée à la tuilerie, ce qu’il attendait, c’était le souffle du cheval, son rythme, sa façon de démarrer quand il donnait des rênes. Avec les poulains, c’était plus délicat, ils ne s’appuyaient pas franchement sur le mors, et se dérobaient pour un rien. Mon père les menait lentement en les flattant souvent à l’encolure.
Quand l’un d’eux gagnait, c’était sa grande victoire. Ces jours-là, M. Jean débouchait le champagne dans le grand salon.



Chez le gros monsieur à l’œil fermé, mon père ne m’emmenait pas. Il entraînait les chevaux tout seul autour des prés. Quand le sol était mouillé la bête glissait, il était obligé de se retenir à la crinière, comme les jours dans la cour où le poulain se défendait. Cela, je l’imaginais en tournant les pages des catalogues. Entre les chemises à dentelles et les combinaisons, j’écrivais de longues lignes, je pensais aussi à l’heure où mon père rentrerait, à tous les noms qu’il me réciterait avant d’aller dormir, et aussi au dimanche quand il préparait à manger. Parfois il pétrissait du pain qu’il faisait cuire dans le four de la cuisinière. Il disait qu’il avait appris, mais sans jamais dire où. Il parlait aussi d’autres métiers, des qui sentaient pas bon, comme dans les équarrissages. Là, il avait sûrement vu faire cuire des veaux comme ceux qu’il jetait dans la grosse marmite pour les chiens. Aux chevaux, il revenait toujours. À ceux qu’il soignait quand ils étaient malades, ou simplement quand ils avaient des œufs de mouches sur les jambes en rentrant du pré. Avec la lame de son couteau, il grattait lentement, sinon les chevaux en se léchant attrapaient des vers. À ceux aussi qu’il faisait tourner autour des prés chez le gros monsieur à l’œil fermé. Il pensait peut-être aux garçons qui montaient avec lui avant d’arriver au château. À celui dont il m’avait donné le nom en souvenir. À tous les autres… Il échappait quelques noms, mais c’était surtout quand il était seul.

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