Parution Mai 2023


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Jean-Pierre Ferrini
Je cherchais un pays




2023. 328 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.696.9

25,00 €

Le livre

Au départ, j’ignorais que les parties qui composent Je cherchais un pays n’étaient que les chapitres d’un livre que je porte en moi depuis longtemps. Il a fallu que je commence à en entrevoir la fin pour comprendre que chaque texte se répondait en se complétant jusqu’à former un cycle qui raconte désormais une même histoire. Quand j’ai commencé d’écrire, la forme fragmentaire était celle qui s’imposait, ce que j’appelais mes «difficultés infinies». A débuté alors un long détour qui s’achève en quelque sorte avec la publication de ce volume (un second est en préparation). Gustave Courbet, Cesare Pavese ou les poètes iraniens sont ainsi apparus comme des guides dans mes pérégrinations. J’écrivais sur eux et ils me permettaient de coordonner quelque chose de moi-même, le pays que je cherchais, une enfance franc-comtoise, des origines italiennes ou celles, persiques, de la femme qui partage ma vie. Dans l’un et l’autre cas, le topos était littéraire : retour au pays, voyages en Italie et en Orient. La lecture se transformait en une «expérience singulière», jouait le rôle de trait d’union entre l’essai et le récit, un récit autobiographique ou d’apprentissage ou ce qu’on pourrait désigner par le terme d’«autopographie». — J.-P. F.


L’auteur

Jean-Pierre Ferrini est né le 23 mai 1963 à Besançon. Il est l’auteur de récits (Bonjour monsieur Courbet, «L’un et l’autre», Gallimard, 2007 ou Le pays de Pavese, «L’un et l’autre», Gallimard, 2009) repris partiellement à nos éditions en 2023 dans Je cherchais un pays, et d’essais littéraires, notamment sur l’œuvre de Dante. En 2021, il a ainsi participé à l’édition de La Divine Comédie dans la traduction de Jacqueline Risset (Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 2021). Pour le reste, il se débrouille.

Extraits

Mon grand-père tenait une cave, un petit négoce de vins, que mon oncle a ensuite repris. La fraîcheur, le mélange de vins et de cave me rappellent toujours cette cave, la «bonne cave», comme si toutes les caves à vins avaient pour référence, pour appellation d’origine contrôlée, la cave de mon oncle. Je me souviens encore que mon père m’envoyait «à la cave» (cette fois dans notre maison) chercher une bouteille de vin; je remontais les escaliers quatre à quatre avec une armée de fantômes à mes trousses. Qu’étais-je allé chercher ? Peut-être en va-t-il ainsi du pays natal, des premières images qui s’impriment dans notre esprit, tout ce que nous voyons ensuite recouvrant une première image (quelle qu’elle soit, où qu’elle soit), l’image première de l’arbre, de la cour d’école que nous avons connue enfant et que nécessairement ce recouvrement était une altération, un appauvrissement. Ce que je vois n’est plus ce que je voyais; ce que voit maintenant un enfant ne sera pas comme ce qu’il verra plus tard. Mon oncle avait récolté les raisins d’une petite vigne qu’il possédait sur les coteaux de la vallée de la Loue (peut-être l’avait-il acquise en même temps que les cerisiers de Mouthier). Nous étions nus dans un grand pressoir piétinant les grappes de raisins. Nous tombions, nous relevions, retombions. Nos corps d’enfant étaient maculés de raisins; nous n’entendions que nos rires.

[...]
Du même auteur :

Le grand poème de l’Iran
Et in Arcadia ego
À Belleville
Le lorgnon mélancolique
Patrick Corneau
13 mai 2023
Poesibao
Jean-Claude Leroy
15 sept. 2023
En arrivant à Luino pour écrire ce livre sur Pavese, je me suis demandé ce que je faisais là. Je pouvais très bien être ailleurs, à Paris, n’importe où. Je ne découvrais pas ces lieux. Ma chambre, la chambre 11, undici, était toujours la même. Une pièce étroite en forme de couloir avec son petit balcon donnant sur le lac. La haie de marronniers. L’embarcadère. La rumeur de la ville. J’avais même l’impression que je ne l’avais jamais quittée. La moquette grenat. Le couvre-lit rose. Les murs ocre jaune. L’armoire. Le minuscule bureau en Formica. L’espèce de commode avec trois tiroirs. La télévision. L’étagère au-dessus du lit sur laquelle je dispose mes livres. Rien n’avait changé, sinon vieilli de quelques années, comme l’indiquait le goutte-à-goutte de la robinetterie ou la fuite de la chasse d’eau. Mon malaise s’est ensuite dissipé. J’ai retrouvé mes repères entre l’albergo, l’Angolo quotidiana, le Tabaccheria del Porto, le Bar central ou le café Clerici. Lors de mes précédents séjours, j’avais tenté de circonscrire les quatre années que mon père avait passées à Luino, de 1942 à 1946, quatre années inscrites sur les registres de l’état civil italien qui battaient dans mes veines, certain qu’ils s’agissait de la greffe italienne de ma généalogie. Ces séjours furent l’occasion de conversations fructueuses avec mon père, des conversations qu’il prit la peine d’écrire en français et que je lisais comme s’il les avait écrites en italien, constatant les béances d’un enfant qui dut interrompre à deux reprises sa scolarité, une première fois en venant en Italie et une seconde fois en revenant en France. Je croyais que ma quête des origines allait prendre fin, que j’allais pouvoir enfin répondre à la question : Êtes-vous italien ?
Le Figaro
Mohammed Aïssaoui
8 juin 2023
Quinzaines
Sara Svolacchia
N° 1255, été 2023