Parution Septembre 2008


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Georges Bonnet
Un jour nous partirons


Nouvelles
2008. 176 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.504.7

19,00 €

Le livre

En douze récits très sobres, puisés à sa mémoire ancienne, Georges Bonnet parcourt les âges de la vie — de l’enfance inquiète à la vieillesse souffrante —, et interroge ses thèmes de prédilection parmi lesquels le sport et la solitude ont une large part. Dans le décor sans éclat de campagnes oubliées ou de faubourgs anonymes, ses personnages sont des âmes pures, qui éprouvent des sentiments droits et profonds, qui agissent et s’expriment avec parcimonie. L’humilité de leurs vies est restituée avec une tendresse et une simplicité éblouissantes, simplicité de pensée autant que d’expression qui est la principale qualité de la prose de l’auteur comme la marque d’un grand art. Au climat crépusculaire de ces histoires, à leur ton mélancolique, c’est un constant miracle d’émotion contenue qui répond et en éclaire la lecture.


L’auteur

Enseignant à la retraite, Georges Bonnet vit à Poitiers. Poète, auteur d'une quinzaine de recueils publiés depuis 1965 (chez Hautécriture, Folle avoine, La Bartavelle, Le dé bleu, Océanes, entre autres), il a fait ses débuts de romancier à 81 ans avec Un si bel été (Flammarion, 2000), qu'ont suivi Un bref moment de bonheur (Flammarion, 2004), Les yeux des chiens ont toujours soif (Le temps qu'il fait 2006), et Chaque regard est un adieu (Le temps qu'il fait, 2010).


Extrait

Alors je serai poète

Le soleil a disparu derrière la colline, et il fait presque nuit.
Le dîner terminé, l’enfant a quitté la table, a joué un moment devant la terrasse, est descendu au milieu des massifs de fleurs, jusqu’à la rivière qui longe le jardin.
Derrière les fenêtres ouvertes, les parents plaisantent avec leurs invités.
Assis dans l’herbe de la rive, l’enfant écoute les rires qui lui parviennent à travers les feuillages. Il défait ses sandales, et tente en vain d’effleurer l’eau avec ses pieds.

Sur l’autre rive, des lumières s’allument à des fenêtres, et il s’étonne de voir une maison se refléter dans la rivière.
Elle est sans doute habitée, se dit-il, et il ne comprend pas comment il est possible d’y vivre la tête en bas.
D’autres fenêtres s’allument. Des maisons prennent place dans l’eau.
L’enfant entend des pas dans le jardin voisin.
Près de lui, un homme pousse la barrière qui ouvre sur la rivière.
L’enfant le connaît. Ils se sont parfois parlé au-dessus du mur mitoyen. Il suit tous ses mouvements.
L’homme est pieds nus. Il se débarrasse de sa chemisette et de son short et apparaît en slip de bain. Il est jeune et beau. L’enfant admire ses jambes musclées, ses larges épaules brunies par le soleil.
Il n’a pas vu l’enfant. Il cherche un appui sur la rive et plonge sans éclaboussures.
Toutes les lumières dans l’eau se mettent à danser, comme prises de folie.
L’enfant le regarde nager d’une brasse silencieuse jusqu’à l’autre rive, puis disparaître sous l’eau. Il ne le voit plus et prend peur.
L’homme jaillit tout à coup à la surface, en faisant une nouvelle fois trembler les lumières, nage vers son jardin, monte sur la berge par un souple rétablissement d’épaules, chasse avec ses mains réunies l’eau restée dans ses cheveux.
L’enfant reçoit quelques gouttes sur son visage, et recule en faisant frémir les feuillages.
L’homme se retourne, découvre l’enfant, lui sourit.

— Tiens, tu étais là !
— Y a-t-il quelqu’un dans les maisons qui brillent dans l’eau ? demande l’enfant.
— Je ne sais pas, dit l’homme en continuant de sourire.
— Pourtant, dit l’enfant, les maisons sont habitées, puisqu’il y a de la lumière à leurs fenêtres.
— C’est vrai, dit l’homme, on a peut-être oublié de les éteindre.
L’enfant l’interroge encore.
— C’est peut-être des génies ?
— C’est possible, dit l’homme, car les génies peuvent se rendre invisibles.
— Ils ne t’ont pas parlé ? dit l’enfant.
— Alors que j’étais au fond de la rivière, dit l’homme, de longues herbes m’ont enlacé, et j’ai cru entendre une voix qui disait : «que fais-tu en ces lieux qui ne sont les tiens ?» Tu sais, c’était un langage étrange.
— Comment as-tu pu comprendre ? demande l’enfant.
— Parce que je suis poète, dit l’homme, et que les poètes comprennent les choses sans qu’elles aient à parler.
— Alors, je serai poète, dit l’enfant.

Autres titres du même auteur :

Les yeux des chiens ont toujours soif
Chaque regard est un adieu