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Alain Galan
Battue à l’abîme
Récit
2025. 136 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.727.0
18,00 €
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Le livre
De ta plus belle écriture, tu copieras trente fois : le chapeau de la cime est tombé dans l’abîme. Ainsi avait-il appris, au temps de la petite école, où, sans commettre d’erreur, percher l’accent circonflexe. Mais de l’abîme, il n’avait rien su. C’est plus tard, en interrogeant l’écho dont la voix ricochait sur les versants du ravin qu’il a compris l’inanité de ses efforts. Pourtant il a continué d’écrire, s’est efforcé de tout prendre en notes, interrogeant la procession des jours, les empreintes des bêtes de la nuit, les miettes et cailloux blancs qu’il avait conservés, Poucet tombé en âge, au profond de ses poches.
À quoi bon, s’est-il enfin demandé ? N’est-il pas l’heure, maintenant, au soir de la grande battue, de conduire, au plus haut de la roche, le troupeau sauvage des mots et des paragraphes et de le précipiter dans l’oubli ?
L’auteur
Alain Galan vit en Limousin où il est né en 1954. Journaliste et écrivain, il est l’auteur de récits et romans parus ces quarante dernières années chez différents éditeurs. Depuis Bordebrune (1982) et Parcellaire (1985), il écrit sans relâche, Le dernier pays avant l’hiver (1995), Feu de feuilles (2000) à la façon d’un peintre qui décompose le paysage. Puis il s’enfonce dans la forêt des mots, Louvière (2010) et L’ourle (2012), pour exprimer sa complicité, Peau-en-poil (2016) et Chafouine (2018) avec le silence et le cri des bêtes.
Son roman Sommeil d’ours, paru en 2021 aux éditions le temps qu’il fait a été accueilli par une presse unanime.
Extrait
Le hante à nouveau Solutré. Cette scène de chasse à l’abîme lui est revenue l’autre nuit. Quel cauchemar, a-t-il rapporté le lendemain, dans ses carnets ! Cris d’hommes et de bêtes, roulements de pierres, colère de l’écho.
Il est bien décidé cette fois à en avoir le coeur net, à en finir avec l’image demeurée en lui qu’il avait découverte dans un ouvrage ancien recouvert de papier bleu écolier, soigneusement étiqueté, numéroté, de l’armoire-bibliothèque qui se trouvait au fond de la classe, en cours moyen deuxième année. Était-ce un livre d’Histoire de France, un manuel de Lectures choisies, un recueil de contes et légendes ? Il ne se le rappelle plus. Il n’a pas oublié en revanche la légende accompagnant la terrible gravure : La chasse au cheval à Solutré.
Voilà qui explique qu’il soit allé hier à L. et qu’il en soit revenu avec un fagot de livres. Aujourd’hui, il n’a pas quitté sa table et, si ce n’étaient le léger bruit des pages qu’il tourne et celui de sa plume sur le papier, on entendrait une mouche voler.
*
Que s’est-il passé au lieudit Crot du Charnier ? Se peut-il, comme on l’a longtemps laissé entendre, que les hommes du Paléolithique supérieur, ayant abandonné les pratiques de chasse quelque peu hasardeuses de leurs prédécesseurs au profit de battues habilement préméditées et coordonnées, aient réussi à diriger les troupeaux de petits chevaux sauvages jusqu’au sommet de l’éperon de calcaire jurassique pour ensuite les effrayer et les pousser à se jeter dans l’abîme ?
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