Parution Octobre 2018


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Bénédicte Cartelier
Ripopée


Chroniques alimentaires

2018. 224 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.635.8

21,00 €

Le livre

«La nourriture serait-elle une affaire si sérieuse qu’on ne puisse jouer avec elle ? Quant à moi, j’aime assez l’idée de divertir le mangeur, le tromper sur ce qu’il mange ou détourner son attention de l’acte de manger afin qu’en sortant de table, il ne sache pas exactement ce qu’il a mangé, ni si c’était bon, ni même s’il l’a réellement mangé tant il aura rêvé au cours de son repas.»
Mais avant de s’asseoir à la table de l’auteur, on pourra se laisser amuser et nourrir par la très agréable et enrichissante lecture de ses billets. Qu’ils soient inspirés par le simple plaisir du partage ou le besoin de questionner ses goûts ou ses envies, on y trouvera une joie de raconter et d’écrire très communicative. Qu’elle questionne l’alimentation la plus triviale ou la cuisine savante (ou l’inverse), qu’elle se délecte de leurs mots, Bénédicte Cartelier le fait avec un sens exquis de la formule et un humour très délicat. Elle sait être érudite et familière et toujours étonnamment présente à ce qu’elle écrit comme à ce qu’elle mange.



L’auteur

Bénédicte Cartelier, née en 1970 à Paris, exerce les fonctions de premier conseiller au tribunal administratif de Bastia. Elle collabore depuis quelques années à la revue Papilles éditée par l’association des Bibliothèques gourmandes. Ripopée est son premier livre.



Extrait


Dinde, dindon, dindonneau


Ce soir, j’ai mangé du «blanc de dinde cuit à l’étouffée» Fleury-Michon et des «petits pois à l’étuvée» Cassegrain. Ça faisait sans doute trop de conserves pour un repas mais l’idée ne me déplaisait pas et puis je me suis demandé ce qui pouvait différencier les deux cuissons. Ça m’a tenu compagnie tout le repas mais je n’ai pas trouvé. L’étouffée ne s’applique peut-être qu’à la viande et l’étuvée aux légumes ?
J’ai ajouté dans mes petits pois une pointe du mélange cinq épices que je venais d’acheter parce que je croyais qu’il contenait du curcuma dont on m’avait vanté les vertus apaisantes. J’ai voulu vérifier sur le flacon mais tout s’est alors compliqué parce que la composition figurant sur l’étiquette ne correspondait pas à la présentation du produit au dos du flacon. À l’exception de trois ingrédients : le fenouil, la cannelle et le girofle. Les deux autres étaient la badiane et le gingembre côté pile, l’anis vert et le poivre noir côté face. D’autres sources m’ont renseignée encore différemment : poivre du Sichuan et anis étoilé, poivre noir et coriandre, etc.
Anis vert, anis étoilé ou badiane ? Poivre noir ou poivre du Sichuan ? Gingembre ou coriandre ? Rien n’est simple. Certes, la badiane et l’anis étoilé ne font qu’un, à condition que la badiane soit chinoise (Illicium verum) et non japonaise (Illicium anisatum), mais l’anis vert (Pimpinella anisum) est une tout autre plante… Quant au poivre du Sichuan, c’est un faux poivre et l’on devrait plutôt l’appeler baie.
De toute façon, il n’y avait pas de curcuma dans le mélange alors que j’en voulais avec ma dinde et mes petits pois pour m’apaiser :

Du curcuma,
Safran des Indes,
Du blanc de dinde,
Et des petits pois :
Cela eût fait un beau festin.


Dinde, dindon, dindonneau… j’aime la dinde (blanc et rôti) et je croyais que le dindon ne se consommait pas. Je me méfiais du dindonneau, je le voyais dodu, gras et trop nourrissant mais j’ai appris avec Grimod que c’est le petit du dindon (et la dindette, sa petite sœur) : coq et poule d’Inde pour la zoologie, dinde en gastronomie.
Alors j’ai pensé faire un jour une dindette en dodine ou bien une dodine de dindette et je mettrai dans les deux cas du curcuma. En légumes, je servirai une purée de potimarrons et de châtaignes d’eau car les marrons d’Inde ne se mangent pas contrairement au dindon. Pour le dessert, j’achèterai un jésuite, ainsi qu’on appelle le dindon, non en raison de sa couleur mais parce qu’il aurait été, dit-on, rapporté en Europe par des membres de la Compagnie. Brillat-Savarin le prétend quoique Dumas le conteste. Pour le biscuit en revanche, sa forme triangulaire et sa couleur ambrée le faisaient à l’origine semblable au chapeau des jésuites. Hélas de brun, le biscuit est devenu blond tandis que le religieux a perdu son chapeau et conservé son habit noir.

Et voici mon menu :

Dodine de dindette
Purée de potimarron, safran des Indes
Jésuite

Du même auteur :

Reliefs (2018)