Pierre-Jean Amar
Le coffre-fort de ma mère
Photographies
Propos de l’auteur reccueillis par Georges Monti
2009. 80 p. 16,5/24.
ISBN 978.2.86853.521.4
22,00 €
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Le livre
Pierre-Jean Amar, fils unique d’une famille juive algéroise, orphelin de père à quinze ans, sera jusqu’à l’âge adulte prisonnier d’une mère malade et autoritaire, extraordinairement abusive.
De cette jeunesse confisquée, d’où il ressort une funeste impression de mort dans la vie, naîtra un goût pour l’art et un besoin d’expression que la pratique de la photographie allait combler. C’est donc naturellement par ce moyen qu’il a fait, en fixant divers objets de l’appartement où il vivait près d’elle (l’armoire à pharmacie débordant de remèdes, le placard à vaisselle, le lit, la table de nuit... et jusqu’au coffre-fort tellement symbolique de son enfermement ) une manière de portrait par contumace de cette mère aimée autant qu’haïe, et un autoportrait par ricochet.
Cette tentative autobiographique dont le lecteur saisit forcé-ment la dimension d’exorcisme le mettra dans une position positivement inconfortable : celle d’avoir à reconnaître dans cet étrange cas de possession les marques les plus banales de l’amour et de la vie ordinaire.
L’auteur
Né en 1947, tour à tour photographe indépendant (depuis 1977) et enseignant d’histoire de la photographie à l’Université de Provence (1988-2004), Pierre-Jean Amar a mené de front son travail personnel et une importante activité militante (formation, diffusion et organisation d’expositions) en faveur de la photographie. Il a notamment publié Histoire de la photographie (PUF, 1997), Le photojournalisme (Nathan, 2000), L’ABCdaire de la photographie (Flammarion, 2003), Nus (Nathan, 1990), Aurélien (Filigranes, 2001), Métaphores photographiques et Jardins de Cézanne (Créaphis, 2004)… ainsi que quatre portfolios de Willy Ronis.
Extrait
Lorsque Pierre-Jean Amar me montra cette série de sobres photographies, contenue dans une enveloppe portant la mention, également sobre, «Ma mère», je ressentis un trouble étrange. Pour en atténuer la gêne peut-être, je m’empressai de lui demander ce qu’il avait voulu faire, ou dire. En guise de réponse, j’obtins le récit (résumé à l’extrême, évidemment) de sa vie auprès de cette mère dont je croyais deviner, par les images, un portrait à charge quoique d’une sévérité très contenue, peut-être même contredite par une tendresse un peu triste. La narration que me fit Pierre-Jean Amar, ce jour-là, sur un ton presque neutre sinon totalement détaché, me frappa si fort que je lui demandai la permission de l’interroger plus en détail. Il répondit à mes questions, quelque temps plus tard, malgré sa répugnance à écrire lui-même cette histoire douloureuse qui le fonde, et dont il me livra cependant volontiers la substance sans jamais se délivrer complètement dois-je le dire ? d’une réserve inspirée par la pudeur ou par la crainte.
Nous sommes loin, en effet, avec cette mère juive, de la «sainte sentinelle» pétrie d’abnégation et d’indulgence, vénérée par l’aimable Albert Cohen. Presque aussi loin de cette autre mère juive abhorrée par Albert Caraco l’atrabilaire qui, rejetant sa génitrice avec l’ensemble de la gent féminine, ne parvint pas à apaiser ses tourments dans ses hautaines imprécations : «Telles sont les mères, qui font les hommes puis les perdent» ne saurait être l’exergue de cet ouvrage.
Celle-ci qui n’inspire pas plus l’attendrissement que la chaude détestation nous imposerait plutôt une sorte d’effroi, assez semblable en somme, malgré la distance de temps et de situation, à celui que j’ai perçu chez celui qui m’a conté son histoire.
C’est pourquoi, dans le texte qui suit, je n’ai fait qu’ordonner et transcrire ses propos, de sorte qu’on peut dire que, malgré l’usage de la troisième personne, c’est lui qui tient la plume.
G.M.
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