Parution Septembre 2011


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Virginie Reisz
La Dame de pierres


Roman
2011. 128 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.561.0

15,00 €

Le livre

Ma Lady doit avoir plusieurs vies, elle s’absente au monde lorsque la vie s’en retire, on vous allèguera qu’on a fermé ses portes pendant les deux guerres, qu’elle ne rapportait plus assez, que les chiffres ou les bras manquaient. Qu’ils disent donc.
À l’ouest de l’île d’Islay, la plus méridionale des Hébrides, face à l’Océan, la «Lady», la «Dame blanche» est une distillerie pas tout à fait ordinaire. Pourtant, de batailles de clans en expropriations, de trahisons en négligences, la grandeur et la misère des hommes l’ont menée à l’abandon.
Un étranger, aidé d’un distillateur de légende, né sous ses cieux, la fera renaître. Ensemble, ils relanceront la production de son whisky, uisge beatha, l’eau-de-vie. Tout sépare ces deux hommes sauf leur enthousiasme et leur engagement pour la beauté. Dans les mouvances de l’orgueil et des remises en question, le passé peu à peu les aidera à grandir et ils changeront quelque chose de l’Histoire de ce petit bout du monde.
Avec ce roman aux allures de fable, Virginie Reisz revisite le mythe de la fraternité, des confins de la violence au miracle de l’amour.



L’auteur

Virginie Reiz
est née à Paris en 1970. Après des études de lettres supérieures classiques, elle s’installe à Jérusalem où elle travaille pour l’édition française du Jerusalem Post. De retour à Paris, elle publie en 2003 son premier roman : Vole vole Papillon (Joëlle Losfeld), que suivront L’insulaire (La Martinière, 2004), Collision (id., 2005), Sonate d’été (Mercure de France, 2006) et À l’immortelle Bien-aimée (Le temps qu’il fait, 2009).



Extrait

La distillerie de Bruichladdich fait face à celle de Bowmore, établie, entourée par la ville; ma Dame est bohême, solitaire. Bowmore est riche, elle, moins. D’ailleurs, la première profite parfois du brouillard pour disparaître du champ de la seconde, comme si, d’une part, celle-ci l’insupportait (puisqu’elle la perd alors tout autant), et de l’autre, ne méritait pas d’être son contrepoint. Entre elles, il y a le loch qu’elles enserrent, entre elles, il y a les regards éperdus d’une rive en son opposée, dans la peine ou dans la paix. Quand ils se rejoignent, ils tracent des arcs-en-ciel.

Bruichladdich est née de l’imagination d’un garçon de vingt-trois ans, Robert Harvey, en 1881. Il était le benjamin de trois frères qui avaient déjà deux distilleries à Glasgow, il l’a aimée je crois — il est mort dix ans plus tard en Australie. Il l’avait dessinée jolie, vraiment jolie, sans artifices, il l’avait posée là, sur les Rhinns, ces rives occidentales, pour qu’elle puisse attendre le vent lorsqu’il revient d’Amérique et pour qu’on l’admire de loin. L’alambic où s’entrelaçaient son âme et ses songes dans une vapeur dont le vent en dépit de leur intimité a toujours été exclu — un tourbillon entre l’alcool et l’eau —, avant de rendre au monde le spiritueux, était si haut qu’outre d’être limpide dans l’apparence, celui-ci gardait une transparence dans ses notes. Il était doux, léger mais prégnant, envoûtant mais pas agressif, sans âcreté malgré ses accents de tourbe en fond. Dès son jaillissement, il déroulait en vérité les temps, saisons à venir et champs légendaires : la verdeur et la rondeur, amandiers en fleurs et onctuosité des fruits. Il avait l’élévation comme propos de départ, celle du cœur de son jeune ingénieur, une source d’or blanc. Jusqu’à mon arrivée, sa pureté, pourtant connue des Ileachs, les habitants de l’île, n’avait pas intéressé les hommes d’affaires : les frères de Robert et tous ceux qui suivraient mélangeraient sa production à d’autres, l’arrêteraient même quelquefois pendant des périodes entières. Dans les années 60, ils ont enlevé la tourbe pour rendre le distillat plus neutre lorsqu’ils l’utiliseraient dans la composition des blends, des assemblages — pari réussi durant quelques décennies. La marque de l’amour est inaltérable, ce que son eau-de-vie évoque, transporte, l’âme de cette île, m’a aspiré sur ce rivage cet après-midi d’été, oui, attiré inexorablement, comme sous l’effet d’un philtre depuis que je l’avais goûtée.

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