Parution Juin 2011


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Paul Louis Rossi
La porteuse d’eau
de Laguna


Récit
2011. 96 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.554.2

14,00 €

Le livre

Le Promeneur du dimanche aperçoit à Paris, rue Bonaparte, un objet Katchina à la devanture d’un antiquaire. Il a la bonne idée de noter au crayon la forme du dessin et les couleurs de la figurine. Par la suite, ayant perdu la trace de l’objet, il décide, à La Rochelle, d’en reproduire les contours sur une racine de bois tendre — bois flotté — récolté sur le rivage. C’est donc l’histoire d’une reconstitution et le progrès d’une connaissance de la civilisation des Pueblos — Hopis, Zunis, Apaches, à la frontière du Mexique — qui est développée comme le dessin circulaire entourant l’objet.
Nous serons conduits à la rencontre des protagonistes de cette aventure. Cabeza de Vaca, qui tente d’évangéliser les tribus indiennes. Le Baron de La Hontan, qui prétend s’être approché du Lac Salé et des Mesas. Et surtout Aby Warburg, qui s’en va dès 1856 jusque dans l’Arizona, et qui rapporte à Hambourg une collection de statuettes et de photographies. Il ne s’agit nullement d’une exégèse de l’art des Katchinas, mais plutôt de l’histoire fantastique, proche de la légende, d’un morceau de bois enduit de kaolin, qui entraîne le lecteur vers ce voyage imaginaire des ethnologues et des aventuriers.


L’auteur


Paul Louis Rossi est né à Nantes (Loire-Atlantique). Ascendances bretonne et italienne. Il a publié des essais, des récits, ainsi que des romans. Mais il s’est imposé par son œuvre poétique comme l’un des auteurs marquants de sa génération. Il a obtenu pour Faïences (Flammarion, 1995) le prix Mallarmé. Il a donné à nos éditions Inscapes (en collaboration avec le peintre François Dilasser, 1994), Élévation enclume (avec des dessins de Gaston Planet, 1997), Les nuits de Romainville (1998), La voyageuse immortelle (2001), Feuillées (avec Titus-Carmel, 2002) et Les ardoises du ciel (avec Dilasser, 2008).

Extrait

Il faut souligner l’originalité de cet homme étrange : Aby Warburg. Voyageur intrépide, ethnographe et curieux. Dans un domaine à peine identifié, il fait montre d’un courage, d’une constance, et surtout d’un talent dans ce domaine de la photographie, par exemple, tout à fait digne d’admiration. Par la suite, on s’éprendra de cette mythologie des Hopis, les villages seront visités, dessinés et probablement livrés au tourisme malgré les interdits. La qualité des figurines modernes témoigne de cette perte d’identité. C’est pourquoi les photographies de Warburg, en noir et blanc, même floues pour certains clichés, gardent ce naturel et cette fraîcheur, et pour nous cette intelligence du passé.


Sur un autre cliché de Warburg, saisi à la porte de cette même église d’Acoma, sous le portail rectangulaire très noir et du côté droit nous voyons six hommes debout, de face et qui semblent attendre on ne sait quel événement. Ils sont revêtus de tuniques, de capes ou de couvertures d’une magnifique organisation, abstraite, avec des verticales blanches et des couleurs probablement, bandes rouges ou jaunes ou vertes, avec des motifs incurvés, une sorte d’harmonie et de chromatisme d’une robe à l’autre qui indique sûrement, même dans le noir et blanc de la photographie, l’originalité et la synthèse des couleurs et des vêtements.


L’analogie des figures tissées sur les couvertures avec le dessin de l’objet Katchina que j’avais reconstitué est surprenante. Au travers d’une simple géométrie, nous découvrons que nous sommes devant un système construit d’un bout à l’autre et qui couvre l’ensemble des mœurs, des croyances et des mythes d’une société organisée, avec des figures rituelles et des couleurs et les formes lisibles d’une civilisation, des rites et croyances.


Voici une terrible responsabilité pour notre objet si banal et si modeste en son maintien, légèrement incurvé sur la droite, pour le spectateur, anciennement dévoré de l’intérieur par les insectes et les mollusques. Et si léger dans son apparence. À le fréquenter, on reconnaît assez vite à l’objet une singularité, une identité même, et l’on remarque bientôt, avec le temps, qu’il s’individualise et qu’il prend l’allure, le maintien et la silhouette d’une figurine familière et même protectrice, sur son étagère de bois, en compagnie d’une clef rouillée et d’un fragment de barque.

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