Parution Novembre 2023


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Patrick Cloux
Marcher à l’estime

Une chronique de nature


Coll. Corps neuf, 21
2023. 144 p. 12/18.
ISBN 978.2.86853.707.2

10,00 €

Le livre

«Qu’est-ce que je cherche si ce n’est une conscience élargie ? Cet éternel rebond de vivre qu’il faut gagner sur l’effacement, sur l’émiettement, ces cailloux qu’il faut lancer à tant d’orties. Je cherche une surnature, un chevauchement des formes pour quitter les pétrifications mentales, les congères sociales, le défilé de mode des idées. Je crois trouver à ces riens, à ces bricolages un peu saugrenus à partir d’objets souvent élémentaires, une poétique des choses et de leurs relations qui délivre des emprises et conjugaisons trop déclinées.»

Voici le livre de Patrick Cloux qui aura rencontré le plus de lecteurs. Paru d’abord il y a tout juste trente ans, un peu en avance sur son temps, il touchera des amoureux de la marche autant que des amateurs d’«objets de nature».
Conçu dans la mouvance des peintres et des poètes du Land Art, ce traité d’émerveillement ne pèse rien dans un sac à dos. Il célèbre les formes naturelles et les oeuvres de fortune que la liberté vive des chemins nous distribue en abondance.



L’auteur


Patrick Cloux est né en Auvergne en 1952. Après des études de philosophie, il devient un temps employé de librairie, puis travaille dans l’édition, en nomade professionnel. Retiré en 2013 à la campagne, il y cultive son jardin, au propre comme au figuré. Son œuvre littéraire, presque exclusivement composée de «chroniques», vise à établir les liens qui unissent les cultures savantes à leurs ancrages populaires. Parmi ses livres : Dans l’amitié du Merveilleux, Marcher à l’estime, Le grand ordinaire, Mon libraire, sa vie son œuvre, Mes oncles du dimanche, Chez Temporel (Le temps qu’il fait), Un domaine sous le vent (La Table ronde), Un vin de paille (Stock), Lumières d’Égée, L’odeur des platanes (Éditions du Miroir), Au grand comptoir des Halles et Durer encore (Actes Sud), puis Trois ruches bleues (La Fosse aux ours) et Une sédentarité heureuse (Le mot et le reste).


Extraits

J’aime les morceaux de bois, leur odeur, celle des coupes en menuiserie, la sciure, le tanin, les traces des lames, la forme douce et celle à peine dégauchie, le bruit des scies, le soir. L’objet de bois nous est proche. Comme nous, il est inutile et rêve secrètement de quitter son immuable état. Terriblement présent dans la lumière des lampes, il a été remodelé et rebâti pour vivre sous nos yeux. Il s’en passerait peut-être?? C’est pourtant l’un de mes dieux lares. Par lui l’esprit du monde pénètre et s’infiltre dans nos modernités. Une pierre striée, une loupe de padouk ou de chêne sont mes romanités tranquilles. Une bougie quelquefois suffit à esquisser une cérémonie lente, lumineuse et privée. Nous retournerons aux choses inertes. J’aime ces résonances profondes, ce sont des constances qui infusent, des lois d’associations nécessaires. Elles débouchent sur des filiations et des fraternités élémentaires avec l’art éloigné de l’évidence.
Un bout de bois tordu, mal fagoté, sans allure peut avoir bien mauvais caractère. Je le préfère pourtant à celui des flûtes?! Dionysos jouait d’un assez grossier pipeau en bois d’aulne, loin de la lyre ou de tout autre instrument raffiné. Les augures grecs se faisaient à partir du déplacement de cailloux ronds dans une bassine d’eau. Hermès a inventé la musique en bricolant, jeune, une coquille de tortue trouvée sous un laurier. Nous n’avons qu’à bien nous tenir sous d’aussi vastes portiques. Il faut vite s’emparer de vraies mythologies personnelles au lieu de parader, afin de retrouver le pouvoir des premiers gestes.


(…)


L’été claironne Les années courent devant moi comme des chiens de chasse. Je peine à les suivre et m’essouffle grandement. Hier je me suis entravé dans mon bâton de marche et suis tombé sans dommage de tout mon long sur un talus. Il me faut toujours bouger, voir des gens, alterner une sédentarité à l’éclaircie poreuse des voyages. Même courts, ceux-ci me ravitaillent en bougeant, braqué sur le guidon mental que me font les paysages parcourus en danseuse. J’aime la montagne sèche. Je rentre de Manosque où j’ai pu visiter avec émotion la maison de Giono. Il faisait encore frais. La ville résonnait de cris d’enfants en sortie des écoles, éclatant tous au même moment à l’intérieur des remparts. Un vent coulis poursuivait à la fois un sac de poubelle, des feuilles de journaux et l’aboiement d’un chien, toujours le même, coincé dans un appartement au milieu d’une place bien douce. Un barbecue prenait feu sous la desserte d’un toit. Les pompiers arrivèrent. La foule aussi. Les martinets zébraient le ciel comme des fous. Des lueurs nous faisaient signe plus loin. La nuit était chaude et sereine.
Je pense à René Frégni dont j’ai lu presque tous les livres. Il doit habiter là, dans les coins, invisible, invincible, irascible, doué comme il peut l’être pour nous décrire les lieux, les gens et leurs histoires aux détours de ses pages. Je n’ose pas le déranger. Ma pudeur de singe étriqué me jouera encore un tour. Je n’ai pas tenté de frapper à sa porte. Il nous aurait peut-être parlé de «l’oubli des rivières». Chacun de ses titres ouvre en grand sur la vie aujourd’hui. Je tiens énormément à son œuvre disponible en poche. S’y retrouve une grande part démembrée de ma génération nomade.

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